Pour changer: une" nouvelle", écrite par ma fille
Elle avait oublié. Il lui en avait parlé la veille au soir, et elle avait promis. Elle lui avait dit :
“mais oui, je t’en donnerai un pour le matin et un pour l’après- midi”; mais elle avait quand même oublié.
Et bien sûr, ce qu’il redoutait le plus est arrivé, il s’est mis à pleuvoir. Il a senti battre son coeur très fort dans sa poitrine et il a serré les poings. Il a prié pour que cette foutue pluie s’arrête de tomber.
S’il avait su ce matin que le beau temps ne durerait pas toute la journée, il n’aurait probablement pas tout mangé…mais bon, c’est vrai qu’il avait faim….alors disons qu’il en aurait gardé un peu pour l’après-midi, oh pas beaucoup, juste un peu pour sauver la face en cas de pluie.
Mais bon, d’abord il ne pouvait pas prévoir alors qu’il faisait si beau ce matin, qu’il allait pleuvoir cet après- midi et en plus quand on a 6 ans et que maman dit:
“je n’oublierai pas”, on la croit. Mais voilà, elle a quand même oublié.
Alors quand la maîtresse a dit “tous en rang les enfants, il pleut, nous remontons dans la classe”, il a bien failli s’évanouir.
D’abord, il a eu envie de se cacher derrière le grand pilier, là bas sous le préau…..le pilier est si grand que personne ne l’aurait vu…..ou bien encore de se cacher dans les toilettes ; personne ne vérifie jamais les toilettes, ça c’est une bonne cachette.
Mais bon , d’abord il pleut et puis tout seul dans la cour, même si sa maman dit toujours qu’il est très courageux, il a tout de suite pensé que ça pouvait être très dangereux et que si quelqu’un passait et le kidnappait, sa maman le punirait sûrement…..Restaient les toilettes…. Il a aussi rapidement abandonné l’idée à cause des crocodiles.
Lui il n’était jamais allé dans ces toilettes mais les grands de CM2 lui avait raconté que parfois des gens jetaient des crocodiles dans les rivières et que ces derniers remontaient par les tuyaux jusqu’aux toilettes des écoles. Oh, ce n’est pas qu’il avait peur des crocodiles, sa maman ne disait-elle pas souvent qu’il était un petit garçon très courageux, mais il pensait que s’il se faisait mordre par un crocodile dans les toilettes alors qu’il était censé être en classe avec ses camarades, sa maman allait sûrement le gronder.
Alors, il a fait comme les autres. Il s’est mis en rang et il a monté les 47 marches (il les a comptées) qui mènent à la salle de classe.
Il a bien essayé de monter tout doucement, histoire de faire traîner les choses, mais les copains de devant couraient et les copains de derrière poussaient, alors il a été entraîné, oh bien malgré lui, et il est arrivé devant la porte de la classe bien trop vite à son goût.
Il s’est dit qu’il pouvait encore gagner du temps et faire semblant de ne pas réussir à enlever son blouson,…et puis son bonnet…, et puis ses gants…, et puis son écharpe (décidément les mères ne comprendront jamais comme il est
difficile de courir dans une cour de récréation quand on est harnaché comme un inuit).
Là, la maîtresse s’est un peu énervée et lui a dit que vraiment aujourd’hui, il n’y mettait pas du sien. Il a eu envie de lui répondre que si, justement, il y mettait beaucoup du sien, mais bon les grandes personnes, ça ne comprend jamais rien alors…..
…..Alors il est rentré dans la classe…oh pas trop vite…Il a regagné son pupitre en faisant le grand tour, celui qui passe derrière tous les copains en avançant tout doucement. Et puis il a bien été obligé de s’asseoir.
La maîtresse s’est assise à son tour, puis elle a regardé les enfants et a prononcé cette petite phrase qu’il redoutait tant : “ Ceux qui ont un goûter le sortent de leur cartable et le mangent, tous les autres prennent leur cahier rose et révisent leur poésie” .
Et lui tout seul, il était tous les autres…
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